Château Lafitte, au rythme du « Kairos »

Au fil des rencontres

publié le vendredi 15 octobre 2021 à 14h43

Château Lafitte, au rythme du « Kairos »

Il était photographe, le voilà « éleveur » de vignes en bio-dynamie. Au Château Lafitte, à Monein, Antoine Arraou plonge dans les énergies invisibles pour atteindre l’alchimie vinique la plus aboutie. Un microcosme où chaque cuvée est une vérité unique. Un monde poétique complexe, quintessence de l’imaginaire. (Texte de Lucie d’Incau)

 

Il est revenu à la terre par le chemin des vignes… Son histoire, c’est le genre d’histoire qui se déroule dans l’alignement d’une ligne droite et qui se prolonge par un retour sur les traces de l’enfance. De petits trésors de douceur, collections de perceptions relevées dans ses souvenirs, mais aussi dans ses rêves. Le Béarn en terre d’attache. Bien avant d’être vigneron, Antoine Arraou figeait le temps avec quelques rayons de lumière. Des éclats de temps, illustrés par une vie de photographies.

 

                

 

En 2012, il rejoint ses parents, lechâteau et ses tours d’angle à la masse ardoisée. Beautés singulières d’une demeure médiévale, fief de la seigneurie de Lafitte qui porte son champ de vigne. Une ancienne géographie qui renaît sur ce territoire, resserrant les liens entre le vin et le lieu. Dans cette colline sidérale, on construit « un monde des merveilles ». On crée à partir de la matière des jus clairs de lumière. Lux et vinum. Pour aller encore plus loin, vers une viticulture agro-écologique, Antoine bascule le domaine en bio-dynamie. Au cœur d’un grand déferlement de vagues minérales, Château Lafitte s’adapte à la morphologie chaotique du terroir, ne comptant qu’avec les forces que lui fournissent la terre et le ciel. Des forces qui restaurent des relations très secrètes, qui lient les acteurs du sol. C’est la formidable aventure des mycorhizes, symbiose bienveillante. L’affaire de quelques grammes de stimulant. Tisanes et décoctions renforcent le système immunitaire, pansent les plaies, agissent sur le foliaire, la floraison, la fructification. La vigne vit sa vie et se bat. Sur cette terre reconquise on n’a pas besoin de beaucoup chercher pour trouver des nids d’abeilles, des araignées, des papillons. Les règes ont retrouvé les fleurs sauvages et les oiseaux. Faune et flore jouent à domicile.

 

Loin de se contenter d’un simple logo, Antoine fait du vin avec de l’éthique. Lafitte prend un petit air de ferme… parfaitement maîtrisé. Îlots de biodiversité, les parcelles métamorphosent le paysage en s’inspirant de la forêt. Un verger s’invite dans le vignoble. Les haies en pourtour. Moutarde blanche et céréales papillonnent entre les fruitiers. Les semis sont venus s’imposer. Aux arbres s’ajoutent les ruches, les moutons, les volailles. On multiplie les écotones. « Le tout étant plus que la somme des parties. » 

 

             

Là où tout s’exalte, où tout prend forme

 

« Dessine moi un chai… » Un chai aussi beau que durable. Le projet, confié à l’architecte, Geoffroy Boulin, confronte un bâtiment chargé d’histoire à une réalisation minimale, compose avec la grandeur des lieux. Secret, discret, « furtif », le nouveau chai de château Lafitte, en osmose avec le paysage, évoque un lieu où l’espace est lié au temps. Celui de la gestation des raisins. Les mystères du vin. Conçue tout en béton et gravité, la structure coiffe une vie souterraine. Un monde parallèle qui tient compte de la ronde des astres, des solstices... L’implication dans la bio-dynamie. Lafitte signe une magie, une émotion.

 

Dans la pénombre, des courbes étranges, organiques, tranchent avec la verticalité des cuves en inox et la rondeur des barriques. Sur la façade, scandée par un escalier disposé en origami, la fresque allégorique de Steven Burke tente de rendre compte de forces invisibles. Douce manière de faire revivre le processus de maturation des baies, les cycles des saisons, des planètes. De petits soleils brillent au zénith de la salle des cuves. Symboles offerts à son inspiration. Comment imaginer que le vin soit insensible à la beauté du sanctuaire où il déploie ses arômes. Les couleurs s’inscrivent dans la fraîcheur des collines, d’un ciel bleu, où l’arbre, perçu comme un « totem », dresse son tronc monumental. Bois tapissé de souvenirs enfouis. Le besoin d’en célébrer racines et frondaison.

 

Antoine pratique l’économie circulaire, un modèle écologique et local. Les surprises et les trouvailles sont sur le toit, dans la terre. Production solaire, récupération des eaux de pluie, rafraichissement du chai par un puits canadien… La sérénité nécessaire pour l’élevage. Pas de démonstration technologique, tout est exactement à sa place, mais dissimulé, intégré dans les parois. On goûte à cette touche de créativité, de singularité, qui distille son grain de folie jusque dans la collection de contenants. Jarres d’argile de Toscane, œufs à l’ove parfait, tracé selon le nombre d’or, abritent une lente transformation continue.

 

Le vigneron emprunte une autre voie, rêve d’un vin qui serait l’exact reflet de son terroir. Une sorte d’or vivant. Des strates de sensations, de vibrations, d’images. Effet charme d’un vin orange, liberté d’un Jurançon de se construire en dame-jeanne, en plein soleil. Esprit de la Solera. Le tout de la nature.

 

L. d’I.

 

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